mercredi 5 mai 2010

Rapport de stage - Stéphane Elie

C'est la fin au Chapon Fin : mon stage est terminé!

L'expérience, parfois exténuante, parfois très excitante, m'aura apprise beaucoup sur moi-même, sur l'adaptation que l'on doit faire preuve à l'étranger, mais surtout, elle m'aura permise
de faire d'heureuses rencontres durables!

Je dois avouer que j'espérais voir la fin rapidement du stage lors de la première
semaine et demie. La première raison est que les quarts de travail français dans le
milieu de la restauration sont épuisants : deux quarts de travail par jour séparés
par une pause d'environ trois heures totalisant en moyenne 11 heures de travail
par jour! L'autre raison de ma motivation est le poste que j'occupais, plus
précisément les mêmes tâches de mise en place que j'effectuais chaque jour, dans
le même ordre, sans jamais y apporter aucune variation... Ranger les commandes
de denrées quotidiennes, établir les deux postes de travail et aller chercher les
outils de travail, écaler les rougets à la main puisque leur peau est trop fragile,
monter les crèmes tantôt à la main, tantôt au Paco Jet, dresser à la pocher la crème
de fromage dans les choux, etc. Sans rien enlever de ses excellentes capacités en
cuisine (vu sa gêne, il est un excellent exécutant), j'aurais voulu avoir un
encadrement autre que celui de Guillaume, le commis au garde-manger, ou du
moins avoir un autre point de vue ou une autre série de tâche.

Pour vous mettre en contexte, rapidement, le problème dans ce restaurant est la
quantité surréduite d'exécutants dans la cuisine. Après en avoir parlé quelques fois
avec mes collègues, j'ai appris que les effectifs ont passé de 8 à 5.

Mais Gilbert, nouveau chef de partie au garde-manger, est apparu. Je crois qu'il a
apporter le dynamisme avec lui, puisque j'ai passé aux poissons.

Aux poissons, avec Fabien, j'ai repris le goût à mon stage puisque ce dernier me
communiquait sa passion des ingrédients, de la qualité de ceux-ci, et des
techniques de travail évoluées avec un outillage avancé. Des trucs et des recettes
qui n'avaient rien à voir avec la mise en place que nous devions exécuter (nous
étions avancés), en voilà : confiture de tomates, sauce pommes et tomates,
infusions de feuilles de lotus, etc. Il travaillait sur ma rapidité à dresser les plats qui
pouvait (et qui a été!) être améliorée : il me laissait cuire les poissons et monter les
assiettes du début à la fin. Fab me faisait grandement confiance : c'est valorisant
de savoir qu'une erreur d'apprentissage, la première fois, est permise. Une belle
amitié s'est développée puisque nous partagions beaucoup de points en commun
et de préférences musicales et cinématographiques, en plus d'être mon seul
copain de bière après le boulot.

Juste à côté de moi, il y avait Arnaud aux viandes. Il est également le second de la
cuisine, et sûrement le plus drôle de toute la brigade! Très talentueux, très efficace
et rigoureux, il n'aimait pas travailler en équipe. C'est pourquoi je n'ai pas travaillé
avec lui, sauf pour lui donner un coup de main sur la mise en place : j'ai appris
comment parer un magret de canard et comment parer des pigeons. Ce n'est pas
rien!

Tout au long de mon stage, j'ai vu un pâtissier absolument formidable et
passionné. Je me plaisais à le regarder travailler : très concentré, minutieux,
perfectionniste, bref, un artiste. Puis je parlais avec lui, j'étais curieux de connaître
son cheminement : il ne s'en rendait pas compte, mais il me convertissait
tranquillement à la pâtisserie!

Puis je suis allé voir mon chef, M. Nicolas Frion, puis je lui ai demandé s'il était
possible de passer la dernière semaine de mon stage en compagnie de Romain,
le chef pâtissier en question : un oui nonchalant, mais un oui, fût la réponse!
Chaque jour, quelque chose de nouveau à concevoir! Puis si le lendemain je
répétais quelque chose que j'avais fait au courant de la semaine, c'était pour
parfaire les techniques. Chaque jour, des manipulations de pâtisserie que je n'ai
jamais apprises à l'école, ou des variantes : mon stage prenait la tournure d'un
séminaire, c'était formidable! Je serais resté encore au moins un mois en sa
compagnie. En quelques jours, j'apprenais à faire un biscuit dacquois, une mousse
au thé, des sorbets et des parfaits, des macarons, du pain de gênes, de la pâte à
crumble, des tuiles plus folles les unes que les autres, etc.

L'ambiance dans la cuisine n'était pas du tout ce à quoi on nous avait préparé
avant le stage. Hors service, les blagues s'enchaînent et une belle chimie existe
entre les occupants. L'entraide n'y était pas, étrangement : dès que le service était
terminé, chacun avait hâte de quitter sans trop se soucier si les autres avaient
terminé, eux, leur service. En service, l'ambiance était tendue : c'est normal, c'est le
stress engendré par la sortir rapide des assiettes. Mais j'ai quand même été témoin
de quelques disputes mineures, ce qui est inquiétant vu le petit nombre de
travailleurs que nous étions.

Le chef, M. Nicolas Frion, juste par sa présence, sait instaurer une atmosphère
sérieuse de travail. Pendant le service, il énonce gravement les commandes, les
réponses de notre part se font entendre en retour. Il met la dernière touche sur les
assiettes : les herbes fraîches quotidiennes qu'il entretient avec une obsession qui
résulte la perfection dans le choix. Autrement, il n'est pas sévère. Je le trouvais
froid et difficile d'approche, mais c'est sûrement parce que je ne l'ai pas connu
assez longtemps.

J'ai constaté, encore une fois après plusieurs discussions avec mes collègues,
qu'une bonne quantité de stagiaires, autant en cuisine qu'au service, se passent le
flambeau dans cet établissement. Pour y avoir séjourné un petit moment et pour
l'avoir vécu, les stagiaires offrent d'excellentes performances pour aller chercher
les demandes des autres dans l'économat ou les chambres froides au sous-sol,
mettre la nourriture sous-vide, ranger les commandes le matin, laver la friteuse et
changer l'huile, etc. C'est comme si c'étais écrit : ce sont les fonctions du stagiaires.
Et son salaire est avantageux. Bon, j'ai l'air de faire pitié, mais on m'a quand même
donné une part du pourboire amassé au courant des deux premières semaines, en
prétendant que je le méritais.

Mais ça ne change rien du fait que j'ai trouvé mon expérience formidable, au point
de développer un sentiment d'appartenance! L'endroit est magnifique, l'équipe
amicale, on ne sentait aucune pression "militaire". J'y prenais mes airs, puis j'ai tant
appris enfin. Puis à la fin du stage, pour "me remercier", j'ai demandé à mon chef
ma soirée libre de ma dernière journée de travail pour souper en salle : encore
une fois, le même oui nonchalant était la réponse!

En chemise-cravate, bien coiffé, bref comme personne ne m'avait vu avant, je
portais un sourire niais d'enfant à la figure puisque les gens au service qui
s'exécutaient pour moi étaient mes amis. À la cuisine, je n'avais rien demandé de
spécifique : mes collègues m'ont gâté avec le menu dégustation du restaurant,
mais à leur façon. Les services n'étaient pas les mêmes, ou les présentations
complètement différentes. J'ai eu droit à un enchaînement de tomate en coque de
sucre cuit, caviar/crème de choux-fleur/tartare de langoustine, demi-filet de bar/
échalote caramélisée/ormeau/purée de pommes de terre à la moutarde et romarin/
espuma de crevettes grises et foie gras, demi-poitrine de pigeon avec une croûte
de noisettes/sa cuisse confite/mousseline de carotte/radis blanc croquant/noisettes
caramélisées, d'une sélection de 4 fromages, un pré-dessert de macarons à la
fraise et au citron/moelleux au chocolat, et finalement d'un gâteau mousseux au
trois chocolats/tuile-spirale en chocolat/quenelle de sorbet poire et céleri. J'étais
bien repu! Ce qui n'a pas été dit, c'est que j'ai également eu droit aux bons services
de Gilles, le sommelier, pour m'offrir un verre de champagne en apéro, quatres
verres de vin différents tout au long du repas, d'un remplissage de l'avant-dernier
pour accompagner les fromages, et d'un armagnac 1982 comme digestif. Pour
prévilégier le moment, je n'ai pas pris de photos, tout est bien gravé dans ma tête.
Mais je vous assure que cuisiner ces plats puis les déguster sont deux mondes
complètement différents.

Des stages comme celui-ci, j'en ferais à la tonne pour des finales comme celle-là!
Mais il est plutôt temps de me consacrer à ma carrière...

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